LCdPT Ep01: Travailler l'ambiance, ou comment donner vie à mes descriptions.

LES CONSEILS DE PAPY TIPEX
EPISODE 1 : Travailler l'ambiance, ou comment donner vie à mes descriptions.

Décrire une scène uniquement par des mots est un travail difficile, à tel point que l'on encence souvent les quelques écrivains capables de le faire. Cependant, c'est un effort qui en vaut souvent la peine. Le jeu en vaut la chandelle. Une bonne description est souvent bien plus immersive qu'une simple image, faisant appel à l'imagination du joueur en face de vous pour combler ce que vous dites, touchant à tous les sens, suggérant plus que montrant le monde imaginé... Idéalement, ceux qui vous écoutent doivent avoir l'impression d'être au milieu de la scène que vous décrivez, d'y voir, d'y entendre, d'y vivre.

Mais comment arriver à un tel résultat? Voila quelques conseils pour vous aidez a approcher de ce but (presque) inatteignable.

Pour inviter quelqu'un dans mon imaginaire...
... il faut déjà y être présent. Avant de commencer à décrire un environement, tenter de vous y imaginer. C'est une première étape primordiale pour faire passer votre ressenti de l'endroit. L'idéal étant de décrire la scène comme quelquechose que vous avez vécu et que vous tentez de transmettre, plutot que comme une simple image fixe. Faites intervenir vos sens dans votre imaginaire. Ecoutez, regarder, humez l'air autour de vous. Y a t'il du vent? Vos vêtements sont-il chauffés par le soleil, ou vous isolent-ils du froid? Si l'endroit est peuplé, peut-on entendre des éclats de voix? Cela peut paraitre superflu, mais cette étape est fondamentale : sans être capable de vous représenter vous même l'endroit, la scène, il vous sera très difficile de la faire vivre à d'autre ; au mieux vous pourrez faire appel à des cliché et des "collages" facile d'images, utiles dans l'immédiat mais difficiles à individualiser et peu profonde.

Vivre n'est pas voir...
... c'est aussi faire appel aux autres sens. Même si votre description est visuellement très bonne, elle semblera sans doute vide si vous décrivez uniquement ce que les personnages peuvent voir. Un bon moyen pour comprendre toutes les informations qui peuvent passer par les sens à l'exclusion de la vue est simplement de fermer les yeux. Une description n'est pas complète si vous n'y intégrez pas l'odeur, les sons, les gouts (s'il y a lieu), le toucher et l'ensemble des informations qui assaillent en permanence un humain en temps normal. Afin de ne pas oublier ces sens, commencez par eux quand vous devez décrire une scène en détail : après une petite phrase générale sur l'endroit, parlez des odeurs (flotte t'il un parfum doux, épicé? Une odeur doucereuse au point d'en être dérangeante, comme celle d'un morceau de viande laissé trop longtemps au soleil? Ces informations vont plus que tout, vous aider à suggérer une ambiance), des sons (un bruit sourd domine la scène près d'une cascade, forçant les gens à parler fort, une ville ou un bâtiment peut être bruyant et rempli d'éclat de voix, ou étrangement silencieux, le craquement d'un feu et les sons d'un harpiste accordant son instrument font penser à un moment très calme. C'est un excellent moment pour donner des indices sur ce qu'il y a derrière la scène : un bruissement dans les feuilles peut suggérer le mouvement d'une créature cachée, un silence trop profond dans un village, uniquement perturbé par le souffle du vent, donne tout de suite des idées inquiétantes. Rappelez-vous qu'il est extrémement rare que le silence soit absolu : les sons sont omniprésents quel que soit l'environnement, et donc nécessaires pour rendre une description vivante), des autres sens (le gout est rarement utile sauf si le personnage mange ou boit, mais les impressions tactiles sont très importantes : la chaleur de l'air ou le contraste entre l'air glacé et le rayonnement du feu, la moiteur ambiante dans une jungle, la poisseur des pierres dans une caverne pleine de mousse, le tanguage du pont d'un navire sous les pieds , la souplesse de l'herbe qui s'écrase sous nos pas, le claquement des oreilles quand la pression change soudainement... Si les odeurs donnent des sensations et des ambiance, et que les sons ajoutent quantité d'informations sur l'environnement, le toucher et ses compléments permettent une véritable imprégnation de la scène, facilitant d'autant plus l'immersion).

L'essentiel est invisible pour le coeur...
... on ne voit bien qu'avec les yeux. Car bien entendu, la vue reste tout de même le sens le plus important lors d'une description, et il faut l'exploiter au mieux, une fois les autres informations passées. Quand vous vous sentirez à l'aise dans vos descriptions, vous pourrez commencer à mélanger les impressions sensorielles, mais dans un premiers temps, faites passer les détails sens par sens en finissant par la vue. Pour l'exploiter au mieux, il faut faire appel à tout ce que l'oeil peut suggérer. Allez du général au particulier, en commençant par les grandes lignes, les silhouettes, les couleurs dominantes, pour finir par les détails subtils sur lesquel vous voulez insister. Le nombre d'information passant par la vue est tout bonnement énorme : formes, couleurs, dégradés, teintes, matériaux, textures, lumières et ombres, mouvements (attention à ne pas décrire une scène statique! Si certains éléments bougent, précisez le. L'ondulation des hautes herbes dans le vent, le mouvement lourd des vagues, le roulement d'un torrent, etc.). Veillez à utiliser des termes spécifiques, détaillés, pour faire passer au mieux l'image que vous avez en tête : les "cornes noires" d'un démon prennent un tout autre aspect quand elles sont décrites comme "les deux cornes d'obsidienne spiralées, sombres et luisantes, balafrées par d'anciens coups". Ne poussez pas le lyrisme trop loin pour autant : insistez sur les détails marquants, pas sur les motifs floraux de soie ocre de la troisième concubine à la droite du roi. Si vous avez une idée de la scène ou de la chose que vous allez décrire, il peut être très utile de préparer un répertoire de mots utiles (pas de phrases complètes, la tentation de la lecture serait trop grande) qui cadrent bien avec ce que vous voulez dire. Rouge n'est pas vermillion, ocre n'est pas beige, nacré n'est pas iridescent, triste n'est pas morne, etc. Chaque mot porte son lot de sous-entendus, et l'utilisation des champs lexicaux approprié peut transformer une description d'une phrase ou deux en un flot de sensations sous-jacente qui renforceront votre description.

Comme un objet précieux...
... il vous faut poser l'ambiance. Ne faites pas de descriptions trop longues, ou trop détaillés, sauf si cela se justifie absolument. Il est inutile de donner la forme précise du visage de la jeune fille que vos joueurs viennent de rencontrer, et préciser que "son visage est dominé par de grands yeux nostalgique" vaut toutes les descriptions que vous pourrez en faire. L'utilisation de termes renvoyant à des sentiments peut aider votre auditoire à construire le reste de la scène par lui-même. Regarder les personnes à qui vous faites votre description dans les yeux, ne la lisez jamais depuis une feuille de papier (tout au plus, gardez des notes à porté de vue), et utilisez votre language corporel pour appuyer sur votre description. Des mouvements amples peuvent aider à insister sur la taille d'un endroit par exemple.

Voila! Avec de tels outils, normalement, vous aussi, vous êtes capable d'écrire ou de faire une description orale prenante. Bien entendu, réfléchir en permanence à ce que vous faites n'est pas une solution : on ne décrit jamais bien une savane si on tente de se souvenir qu'il ne faut absolument pas oublier de préciser l'odeur de l'arbre sec à coté des PJ. Exercez vous, réfléchissez à tout cela au moment ou vous préparez vos descriptions, et au bout d'un moment, cela vous viendra parfaitement naturellement! Et si vous voulez tenter le coup avec une ou deux petites descriptions sur le topic pour avoir une critique un peu plus détaillée, faites vous plaisir!