Du côté de chez Zech'

Nous sommes le jour de Vénus, 20ème jour du mois descendant de la Terre. Une date importante, pour deux raisons ; tout d’abord, le début des moissons. Et surtout, le plus important pour notre segment de la population, la fin des partiels de l’Université de Pion Xi ! Certes, je ne suis pas étudiante, mais les soirées sont ouvertes à tous, et j'ai promis à Ninian que je me rendrais à la prochaine qu'il me proposerait. C'est chose faite ; notre communauté ira ce soir chez Clove, un étudiant qui vit dans une grande colocation.

J'ai encore un peu de mal à m'habituer à ma nouvelle vie. J'ai appris il y a deux mois que nous sommes dans l’Est, au centre des Scavengers Land. Pion Xi est une grande ville de plus de 800 000 habitants, très reconnue pour sa population estudiantine, aux grandes compétences en magitech reconnues dans toute la zone. C’est un pôle commercial et ethnique, dont la population change très souvent. La maire de la ville semble bien gouverner la ville.

Ce mois-ci, la saison se réchauffe, la température est agréable, les récoltes vont bientôt commencer et les étudiants viennent de finir leurs partiels : c’est les vacances ! Je me retrouve donc au milieu d'une trentaine de personnes, dans une ambiance très chaleureuse et très festive. Les garçons portent des kimonos sans manches, les filles portent des robes avec des cerceaux, bracelets, écharpes, ceintures ; tout est très coloré. Des lanternes illuminent toute la pièce avec des mots : succès, bonheur, longue vie. Quant à moi, je me suis posée dans un coin, laissant le groupe s'éparpiller. Ninian est déjà sur la piste de danse ; je reconnais à l'autre bout de la pièce U'Shin, appuyé contre le mur. Nous avons travaillé ensemble plusieurs soirs. J'apprécie plutôt ses discussions franches, mais un peu rares.

Le plat traditionnel post-partiel nous attend sur la table : des nouilles et des bouillons plus ou moins épicés et exotiques. Chacun met une touche de sa région d’origine, la soirée bat son plein depuis plusieurs heures. Certains d’entre nous sont posés sur des poufs et débattent amicalement de sujets de société ou de leur culture d’origine, de leurs expériences de vie. D'autres sont à l’extérieur, dansant au son des instruments de musique, plus ou moins alcoolisés.

D’un côté, assis bien droit sur un tabouret, un homme d'une cinquantaine d'années aux longs cheveux grisonnants et à la barbe épaisse, vêtu de bleu clair et de cordelettes rouges qui lui permettent de faire des mouvements amples, à la peau tannée par le soleil. Il passe presque tout son temps à l’Université, c’est un fait connu. Il fait également partie de la Communauté : tout comme on m'appelle Princesse, lui, c'est Prof. Il discute avec des Djalas (j'ai encore du mal à me faire à l'idée de Djalas libres.. quel gâchis !), dont deux assis sur un pouf. L'un d'eux, Menma, semble assez connu. Il est grand pour un Djala (1m49), petit pour un humain. Il ressemble vaguement à un enfant, ce qui perturbe pas mal les gens quand il les attaque sur leurs convictions ; il a une tache sur l’œil gauche, une autre sur la joue droite qui monte jusqu’à l’oreille, et une dernière tout le long du dos. Il a sur ses genoux un second Djala ; ils discutent avec d’autres personnes autour d’eux, sur des poufs, sur des chaises, debout. Globalement, c’est lui qui anime le débat. Il fume un narghilé. Le débat tourne actuellement sur la politique éducative de la ville : les partiels, oui, non, pourquoi ? Il porte deux pièces de vêtement amples, très simples, en lin, un pantacourt et un débardeur.
Je ne prête pas vraiment attention aux Djalas, préférant suivre la conversation d'humains autour, ne ratant pas une miette de ce qu'il se passe à côté de moi. Je porte une robe de soie bleue, ce cadeau de Ninian que je portais quand j'ai été embauchée chez Laitha ; à vrai dire, c'est le seul beau vêtement en ma possession. Mes véritables habits me manquent.

Une jeune fille, un mètre soixante-dix environ, aux longs cheveux bleus et aux yeux d’un rouge vif, se tient debout et participe au débat. Ses participations se montrent assez rares, mais très pertinentes et réfléchies. Parmi ceux qui l’ont déjà croisée, on sait qu’elle ne boit pas, qu’elle envoie bouler ceux qui osent la draguer. Elle se promène tout le temps avec une espèce de bâton enveloppé dans du tissu. Elle porte une tunique ample, un pantalon-jupe rouge assez terne et orné de quelques motifs, et un haut de tunique assorti, aux manches assez courtes. Elle porte également un bracelet, suit les conversations sans vraiment discuter, semblant se limiter à ce qui l’intéresse. On l’a parfois croisée à la bibliothèque de l’université ou dans quelques soirées auxquelles elle a pu participer. Son chat n’est pas là, mais quand elle est chez Menma, il est généralement là. Elle semble bien s’entendre avec lui ; elle s’appelle Luinil.

Enfin, un homme au masque blanc qui ressemble vaguement à un papillon avec des arabesques bleues très fines. Il porte un sarouel bleu ample. Derrière son masque, on peut voir ses yeux noirs avec une auréole argentée si on est près. Son masque ne cache pas le bas de son visage (sa bouche), son cou est visible et il a la peau assez pâle. Au niveau du comportement, il ne suit pas vraiment la conversation mais semble ne pas vouloir rater ce qu’il se passe autour de lui.

Au niveau de la discussion, le vieillard écoute énormément tous les participants et se contente de recentrer le débat à l’occasion, ou intervient si quelque chose le choque vraiment. Il semble avoir endossé un rôle de médiateur. Il ne parle jamais plus d’une phrase ou deux à la fois ; le personnage a de nombreuses cicatrices sur le visage, sur les mains et probablement sur le reste du corps, mais cela on ne le voit pas. Il a un gros sac rempli de livres, auquel est accroché un grand étui à parchemins. Une chouette blanche sur son épaule semble écouter avec autant d’attention que lui. Elle s’est posée ensuite à la fenêtre, lorsque la pièce a commencé à s’enfumer.

L’homme masqué est parti danser ; il semble agile, mais ne sait absolument pas danser. Il est très gracieux jusqu’au moment où il faut faire preuve d’un minimum de rythme. Si quelqu’un essaie de s’approcher d’Ezechia, elle se penche pour lui dire un truc à l’oreille et il a une certaine tendance à repartir assez rapidement.
Le vieillard et Ezechia sont arrivés ensemble avec une communauté ; un habitué des soirées, Ninian, est parti danser à peu près immédiatement. Des Djalas sont à peu près partout dans la colocation, prenant des trucs plus forts, discutant, fumant, mangeant… ils sont arrivés au tout début de la soirée avec l’autre jeune fille, Luinil.

Le débat commence à dériver vers d’autres sujets, comme la constitution politique actuelle du Conseil. La direction du Triangle (organisation des sorciers qui se consacre à deux choses : la sorcellerie et le bien-être dans la ville, une des plus grandes forces de dissuasion de la ville contre les puissances extérieures) est formée, comme toujours, de trois personnes : une mortelle, une Exaltée de l’Air et un Dynaste qui vient du règne, un Mnemon arrivé il y a un peu plus d’un an mais qui s’est déjà hissé à cette place et a gagné le respect de ses pairs dans la ville. Pour être accepté au Triangle, il faut soit avoir beaucoup de talent, soit beaucoup d’argent. En gros, les gens sont occupés à critiquer la position du nouveau Dynaste dans le Triangle actuellement, parce qu’il est autorisé à siéger au Conseil alors qu’il vient du Règne et que nous sommes indépendants du Règne. Le Djala est en train de dire que selon lui, la Religion Immaculée est fausse. Le vieillard le soutient sur le côté « il faut vivre en harmonie » tout en soutenant qu’il n’est pas d’accord avec la façon dont il est à la tête de tout. Mnema dit que les principes sont bons, mais qu’on n’est pas obligé de baser des principes de vie sur un tissu de mensonges et de demi-vérités.

« Peut-on prouver qu’ils sont mauvais ? demande Mnema, semblant particulièrement sûr de son droit.
-Leurs actions l’ont prouvé d’elles-mêmes, insiste un de ses interlocuteurs, probablement un étudiant.
-Par quoi ?
-Les récits.
-Les récits de la Religion Immaculée, complète le Djala avec un geste de la main qui ne fait qu’appuyer ses paroles.
-Mais le comportement violent et conquérant des anathèmes…
-Et celui des Terrestres. Les Terrestres nous menacent ici, c’est bien pour ça qu’on veut se séparer du règne !
-Mais non ! Il ne faut pas faire l’amalgame entre Terrestres et Règne, intervient un autre étudiant, aussitôt soutenu par le vieillard, Raskan.
-Excusez-moi. Effectivement, j’ai fait un amalgame. Je concède ce point, mais je reste convaincu que la Religion Immaculée est un tissu de mensonges. »

Mnema parle moins, et Raskan se met à parler de la politique interne de la ville, un sujet un peu plus calme et moins sujet à controverse que de parler du Règne. Deux étudiants se réjouissent parce qu’ils sont allés prier au Parc tout au Nord de la ville devant l’arbre sacré, Asclepio, pour que le partiel se déroule sur le sujet qu’ils ont le plus révisé, et ça a bien été le cas. La légende dit que si un fruit de l’arbre tombe dans tes mains, tu auras de la chance et ton vœu sera plus qu’exaucé. On peut aussi faire des offrandes ; il est par contre absolument interdit de toucher l’arbre. On raconte qu’un jour, un Guildien a offert plus d’une vingtaine de bêtes très rares et en très bonne santé à l’Arbre, et il est devenu Haut Guildien dans l’année. Le Dieu de la ville est dans un temple juste en face du parc, il s’appelle Kai lou shen. Il est resté très jeune et très festif, comme la population. La légende veut que ce dieu se rende parfois aux soirées, mais reste anonyme.

Raskan prie une fois par semaine Kai lou shen. Luinil revient à l’intérieur de la pièce après une courte sortie, son chat dans les bras. Raskar a retrouvé sa chouette, revenue se poser sur son épaule. Le Djala et l’homme masqué partent danser et boire ; U’Shin, videur au bar où Ninian (le Joueur) est barman et Ezechia serveuse, part rejoindre la fille aux cheveux courts. Ils discutent un peu.

Soudain, un cri dans l’arrière-salle. Raskan, U’Shin et Mnema partent voir ce qu’il se passe. Luinil calme son chat, et Ezechia reste plantée là, sans faire attention à ce qu’il se passe.

C’est un humain de la communauté (Irishin) qui fait une mauvaise réaction à une drogue. Il délire, ses vaisseaux sanguins dans les yeux ont éclaté, il a tant serré ses bras qu’il s’est griffé. Apparemment, c’est un mauvais trip ; Mnema a amené des antidotes. Il lui donne quelque chose pour arrêter les spasmes, reprendre conscience et arrêter de délirer. Un étudiant annonce à tous que la situation est sous contrôle, reconnaissant le Djala étudiant en médecine. U’Shin montre à Mnema qu’un cachet a été avalé par l’homme de la communauté (et la fille Djala à côté, qui vient de finir sa crise, moins intense), et qu’il en reste un. Après s’être excusé pour le dérangement et avoir caché le cachet dans une de ses fioles, Mnema dit qu’il reviendra le lendemain pour trouver plus d’informations sur la drogue.

U’Shin, Raskar et Menma montent à l’étage pour s’occuper des autres. Ezechia et Luinil, quant à elles, restent dans la salle. Luinil vient parler à Ezechia, et alors que la pièce se vide après la soirée, elle propose à Princesse de dormir chez elle, après être passée chez Mnema pour récupérer quelques affaires. À l’étage, elles découvrent leurs compagnons autour des deux drogués, en train de dissoudre un cachet avec du sel. Clairement, le cachet a été affecté par un nécromancien. Ils ont eu les informations pour savoir où trouver la personne qui leur a donné le cachet.

Jin, le dealer, habite à quelques blocs de là, nous décidons tous d’aller le voir. On tente de remonter la chaîne de cette drogue, appelée Révélation.

Le lendemain matin, les filles se réveillent et décident de prendre le petit déjeuner chez Menma. Elles sont prises au dépourvu par les cymbales (habitude de la ville : le lendemain de la fin des partiels, les habitants réveillent les étudiants avec des cymbales). Si Luinil garde tout son flegme, Ezechia, qui ne le connaissait pas, panique et sort son couteau. Luinil lui explique la tradition, Ezechia range son couteau, Luinil lui dit qu’il est joli et ne fait pas de commentaire particulier dessus. Dans l’appartement de Menma, le Djala pose des questions aux deux drogués réveillés, qui ont l’air d’aller mieux. Menma leur fait un petit topo de ce qui leur est arrivé auparavant ; ils expliquent que d’habitude, ils ont une bonne Révélation, mais que cette fois-ci elle était terrifiante (la veille, la fille disait qu’ils allaient tous mourir). L’homme semble penser que son avenir ne vaut pas vraiment la peine d’être vêcu. U’Shin demande à l’homme de raconter sa Révélation.

« Des morts… rien… du… bégaie l’homme, avant de s’interrompre pour retenir un vomissement. C’était pas beau.
-Et c’était forcément vrai ? demande Menma.
-Ca en avait bien l’air.
-Ce sont des visions, mais pas forcément vos visions, souligne Prof. Quoi qu’il arrive, le futur peut être changé.
-Je voyais plus loin. J’ai vu la fin du monde.
-Mais c’est bien trop vague, la fin du monde ! » s’agacent les deux jeunes femmes, avant de se faire renvoyer de la pièce par Prof, qui explique qu’il faut que les personnes dans la pièce évitent de le faire retomber en état de choc.

Elles sortent donc de la salle, accompagnées d’U’Shuin. Menma sort un peu plus tard :
« Luinil, on va voir Jin. Tu viens ? » Luinil accepte, et les autres vont à leur suite. L’équipe part donc chez Jin, arrivant quelques dizaines de minutes plus tard. L’immeuble fait 3 ou 4 étages, on note beaucoup de bâtisses très similaires dans ce quartier très calme. Notre but est de trouver qui est le dealer qui lui vend Révélation. À cette heure, il n’y a personne dehors. Il habite au quatrième étage, deuxième porte à gauche après l’escalier, mais nous nous faisons arrêter par la concierge.
« Nous venons voir quelqu’un, dit Prof.
-À cette heure-ci ?
-C’est une heure tout à fait acceptable, non ?
-Tout le monde dort. Si vous faites le moindre bruit, je vous jette dehors ! »

La petite compagnie repart donc dans le silence le plus complet. Les escaliers sont en bon état, relativement neufs et bien solides. Ils sont à moitié en bois, à moitié en pierre. Nous arrivons au quatrième étage ; c’est Ezechia qui frappe à la porte, seule devant l’entrée pour qu’on ne refuse pas d’ouvrir à 6 personnes dans le couloir.

Jin est un jeune homme au physique banal, une coupe de cheveux qui lui va bien, des yeux verts ; il est vêtu d’un pantalon vert et d’un t-shirt rose. Il nous laisse tous entrer ; Yuko et Menma s’asseoient sur le canapé, Yuko à moitié caché derrière son compagnon Djala. Les autres préfèrent rester debout. Prof expose les symptômes des consommateurs au jeune dealer.

Jin explique à Ezechia, après quelques réticences, que s’il a besoin d’autant d’argent, c’est parce que sa mère est gravement malade. Elle lui dit donc que ses compagnons sont étudiants en médecine, et Menma affirme que si on lui donne trois heures, il pourra faire l’opération nécessaire. Nous devons donc tenir compagnie à Jin pendant ce temps ; mais comme Menma a donné un ordre à Ezechia (chose qu’elle ne supporte pas, parce qu’elle n’a jamais vu un Djala libre et qu’on lui doit en temps normal du respect), elle boude et part dans un coin. U’Shin étant assez timide, il reste dans le coin aussi. Yuko part avec Menma. Luinil, après avoir affirmé à Jin que Menma est très compétent, vient avec Ezechia et U’Shin. C’est donc à Prof de s’occuper du jeune dealer. Menma revient avec tout son équipement trois heures plus tard (cette fois, la concierge l’a laissé passer sans rien demander, probablement impressionnée par la blouse blanche). Prof prête un livre en Old Realm à Luinil, et un autre, en High Realm, à Ezechia. Une fois l’opération effectuée, nous apprenons alors que les fournisseurs se font appeler les Fils de la Forêt et qu’ils veulent faire partie de la Tribu (le plus gros gang qu’Ezechia et Prof connaissent). Les chefs sont un cerveau et un grand musclé, frères.

Prof et moi-même (Ezechia) décidons donc d’accepter Jin et sa mère dans notre communauté, au moins le temps qu’elle se rétablisse (trois jours seront nécessaires avant qu’elle puisse marcher). Luinil va voir son contact pour exfiltrer Jin et sa mère plus tard ; elle a un rendez-vous avec Jin et lui pour plus tard.
Enfin, nous pouvons tous rentrer chez nous et nous changer. U’Shin met un grand manteau gris foncé aux liserés pourpres au-dessus de son vêtement bleu pâle ; il a changé de masque pour en mettre un gris, ressemblant à une chouette, avec du pourpre autour des yeux. Ezechia met une tunique kaki. Prof porte les mêmes vêtements, qui semblent propres, et ajouté un bandana ; Luinil s’est attaché les cheveux.

Le soir, nous voilà donc tous au bar. Luinil et Ezechia passent pour des filles bourrées, au bras d’U’Shin, pour entrer, puis « dessaoûlent » une fois à l’intérieur. Le petit groupe (sans Yuko) rencontre les deux frères.